L’an dernier, j’ai partagé une photo de moi en maillot de bain vous parlant de résilience, celle qu’on mène avec son corps, notamment après la grossesse. #bodypositive, #bikinibody #acceptationdesoi sont de grands marronniers pour la blogueuse… Moi, je suis embêtée que ces hashtags soient devenus des incontournables lorsqu’on se dévoile un peu en maillot de bain, comme si on s’excusait d’être là, d’être imparfaite ou de s’assumer. Enfin, se montrer telle que l’on est sur les réseaux ou ailleurs, il m’apparait difficile de faire autrement. Vois-tu, je n’ai trouvé que ce corps-là ce matin dans mon dressing !
À ce post de l’an dernier, 2 personnes m’ont écrit « facile pour toi de parler du hashtag #bodypositive puisque que tu n’es PAS GROSSE ». L’acceptation de soi n’est-elle pas un chemin personnel ? Peut-on juger la douleur que chacune ressent face à ses propres complexes ? Les complexes sont-ils tous liés au poids !? Laisse-moi te raconter l’histoire du mien.
Quand j’étais petite, je n’étais pas filiforme. D’un naturel calme, j’ai été élevée dans un mode de vie assez sédentaire mais bon-vivant. Très tôt, on a ancré en moi l’idée que le poids fait partie des critères de beauté. J’avais 8 ans, j’avais un peu dépassé les courbes de poids du carnet de santé et je revois la scène comme si c’était hier. Alors que je jouais à essayer la roue dans le salon de ma grand-mère, cette dernière m’a dit d’un ton moqueur « on dirait un petit oiseau, un petit oiseau qui s’appelle « Le Bœuf »! ». Plus tard, je l’ai entendue parler de mon corps avec d’autres personnes de la famille comme si, à 8 ans, mon poids était un problème. Ma grand-mère a souvent eu des mots blessants à ce sujet, démonstration de ses propres insécurités. J’aime beaucoup ma grand-mère. Quand tu critiques un enfant devant lui, il n’arrête pas de t’aimer. Il arrête de s’aimer lui-même. À cet âge, on m’avait déjà appris que reprendre une part de gâteau « fait grossir ».
À 11 ans, j’avais dépassé la moyenne haute des courbes de poids et taille et mon médecin traitant, dont la balance était toujours réglée à +2 kg, l’avait signalé à ma mère. En 6è, j’ai subi des moqueries d’être la 1ère de la classe alors forcément les critiques physiques vont de paire, et je me suis mise à haïr mon reflet dans le miroir.
L’été avant la 3è, j’ai suivi l’alimentation de ma mère qui suivait un régime. En parallèle, j’allais à la piscine presque tous les matins et faisais beaucoup de vélo. On m’a décrite comme anorexique à l’époque. En fait, je refusais tout ce qui pouvait être hyper-calorique. Quand j’ai eu 14 ans, je pesais 45 kg pour 169 cm. J’étais maigre mais je ne me voyais pas ainsi. Cette perte de poids avait entrainé une absence de règles, ce pourquoi on m’a prescrit une pilule faiblement dosée pour « réguler la chose ». Je ne me sentais toujours pas bien puisqu’on m’a répété bien trop souvent, me regardant avec effroi, que j’étais TROP maigre.
Au lycée, je me sentais mieux car j’avais des amis… J’étais toujours 1ère de la classe et j’avais le droit au mauvais œil qui va avec. J’ai passé mon bac, je pesais environ 54 kg pour 170 cm et j’étais, disait-on, « une jolie fille ». Les années ont suivi sans que je sois bien dans ma peau pour autant, comme beaucoup de jeunes femmes je crois…
À 20 ans, je suis partie en Angleterre où la pinte Guinness (l’équivalent calorique d’un bon steak) est la boisson du soir et où la culture culinaire est déplorable. Je ne logeais plus dans ma garde-robe en rentrant. Je regardais avec nostalgie mes anciens jeans, je mesurais mon poids chaque matin et je pouvais passer mes frustrations sur des cochonneries…
Je suis arrivée en Licence 3 avec quelques kilos de moins mais j’étais très mal dans ma peau tout en restant très sédentaire, malheureusement. Pourtant, j’avais lu dans un magazine les mensurations d’une célébrité et je m’étais mis un objectif insensé de poids. J’ai acheté un pantalon une taille en-dessous dans l’espoir de loger dedans un jour. Et puis, un copain m’avait dit que je serais mieux avec 2 kg de moins. Je pense que si les réseaux sociaux avaient existé à mon adolescence, je l’aurais très mal vécu.
À l’aube de mes 27 ans je suis tombée enceinte de mon premier enfant. J’ai pris exactement 15,8 kg et pourtant, je ne me suis jamais sentie aussi bien dans ma peau qu’à cette période hors du temps qu’est la grossesse. Lors de ma 2de grossesse, j’avais 31 ans et j’ai pris 12 kg. À nouveau, j’étais en phase avec mon corps, ce corps doté du pouvoir ultime de fabriquer la vie. On apprend dans sa vie de femme que le poids est fluctuant selon la contraception, selon les périodes de règles.
En 2020, je me suis mise au sport pour de bon et j’ai vu mon corps changer, mes jambes se dessiner autrement… Aujourd’hui, je n’ai aucun trouble du comportement alimentaire. Je ne vous confierai pas mon poids : je suis en paix avec cela mais je trouve malsain que vous puissiez y comparer le vôtre. Suis-je bien dans ma peau sur cette photo ? Pas spécialement mais je ne suis pas mal non plus! J’ai d’autres complexes mais pourrait-on publier ce type de photos sans se focaliser sur le corps mais plutôt sur le coucher de soleil?
Là où je veux en venir c’est qu’au fil de la vie, les complexes changent et je veux insister sur le fait qu’ils ne sont pas toujours liés au poids. J’ai longtemps laissé 2 chiffres sur la balance dicter mon humeur, ma valeur, ma dignité à recevoir l’amour qu’on me portait… J’ai laissé le regard des autres peser dans cette balance tandis que mon regard sur moi-même était finalement toujours le plus dur ! Je me suis longtemps dit que je serais heureuse le jour où mon poids serait en accord avec le physique que je m’imaginais être idéal. Je me suis attachée à ce chiffre tandis que le sport m’a révélé être plus important pour moi ! Mais oh! À la fin de ta vie, dans la balance de tes souvenirs , quel sera ton poids à la fin ?! Le poids des likes sur Instagram ? Si c’est celui des bons souvenirs, espérons peser le maximum !
Adeline Belot
septembre 17, 2021Tellement profond et touchant ton article! félicitations!