Voilà plus d’un an que j’ai mis au monde ma fille, un peu plus de trois ans après mon premier accouchement, celui de son grand frère. Après la lecture d’un livre d’Isabelle Filliozat et en pensant à une amie qui vit la fin de sa grossesse et qui, peut-être, se languit d’attendre la délivrance, je repense avec nostalgie à mes grossesses et surtout aux toutes fins de mes grossesses.
Pour certaines, il est difficile de profiter des dernières semaines avant l’accouchement. On se sent grosse, on a les jambes gonflées voire tuméfiées, on a mal partout comme si on avait vécu 35 années de plus, on est fatiguée. Certes au 9ème mois, on galère à mettre ses chaussures, on a hâte de rencontrer bébé et d’être rassurée que l’accouchement soit terminé avec succès… Effectivement, je me rappelle ces moments-là. Toutefois, je ne me souviens pas avoir eu hâte d’accoucher. Peut-être l’ai-je susurré à la volée. Je ne vivais pas dans la crainte de l’accouchement, j’avais plutôt peur d’un achèvement, celui que bébé ne soit plus au chaud sous mon nombril.
Il y a celles qui attendent d’accoucher, en complotant mille et un stratagèmes pour que bébé pointe le bout de son nez avant l’heure. Pour celles-ci, le dernier trimestre de la grossesse se résume à un seul maître mot: attendre.
Je fais partie de celles qui invitent à savourer sa grossesse. Non, je ne veux pas être cette jeune mère aigrie aux cernes creusés pleurant à sa copine enceinte: « profite car après tu verras, tu penseras à la prochaine douche comme à tes futures vacances! ». Je ne veux pas jouer la rabat-joie à clamer « putain, dort, va boire un verre (heu, un coca zéro) avec une copine, profiiiite bordel, profite d’aller faire caca tranquille! ».
Je fais partie de celles qui invitent à jouir de chaque moment qui compose la toute fin de grossesse, cette période suspendue et hors du temps, où chaque jour, on se prépare au surgissement du grand bouleversement.
Je me rappelle avec émotion de ce trac qu’on ressent, en toute fin de grossesse, lorsqu’on répond à chaque demande de rendez-vous « oui, si je n’ai pas encore accouché, je pourrais », quand chaque programme à établir porte le veto « ouai, sauf si je suis en plein travail ». Je me rappelle avec douceur de ces matinées de fin de grossesse où le sourire aux lèvres, on regarde la date du jour sur son téléphone et on se demande si elle va devenir la date inoubliable du calendrier, celle de la rencontre avec l’amour de sa vie.
La gorge serrée, je me rappelle avec mélancolie de ces petites bulles qu’on sent au départ, qui deviennent des ailes de papillons un peu plus tard. Je me rappelle avec délectation et béatitude de ces petits pieds qui tapent de l’intérieur, de mon ventre qui se déforme à l’extérieur. Je m’en rappelle comme si c’était hier et c’est si loin déjà.
Je me rappelle avec plaisir et puissance de l’attention qu’on m’accordait lorsque je portais la vie mais que je pouvais moi-même me laisser porter. Je me rappelle avec envie de ce sentiment d’être précieuse et spéciale, cette sensation d’être fébrile et forte, dotée du pouvoir de faire grandir la vie en soi. Je me souviens avec douceur de ces longs moments entre mon corps, mon bébé et moi, à écouter chacun d’entre eux, et chacun de mes paramètres vitaux.
Avec nostalgie, je me rappelle du regard que je posais sur moi devant le miroir. Un regard bienveillant, presque aimant sur ces rondeurs harmonieuses et cette poitrine généreuse. Un œil indulgent sur mes imperfections, un regard reconnaissant sur mon corps et ses capacités à porter mes bébés.
Je me souviens de ces dernières semaines de grossesse où je voulais tout donner pour une maison clean et bien rangée, où je me sentais en forme pour astiquer, marcher, pédaler, bloguer, mais que mon corps me rappelait à l’ordre en fin de journée. Un peu honteuse, je me rappelle avec plaisir de cette satisfaction du travail accompli tout en étant sur les rotules.
Avec calme, je me souviens de ces séances d’hypnose pour inciter ma Juliette à se retourner et je ris à l’idée de m’être chaque fois, ou presque, endormie sur ce fauteuil de fortune.
Le sourire aux lèvres, je me rappelle de ces temps où le papa ne s’éloigne pas, de ses précautions à annuler ses déplacements, de cette toute fin de grossesse où le désir de lui faire une blague-test est si tentant !
Je me rappelle, avec beaucoup d’amour, de ces heures en couple, en salle de travail, où (malgré la position qu’exige la situation) l’on a juste à se regarder pour se sentir enveloppés dans notre bulle de complicité.
L’estomac noué, je me rappelle de la jeune future mère de 27 ans que j’étais, pleine d’illusions quant à l’éducation. Je me rappelle de mes croyances qu' »il suffit de » avec un enfant pour que tout roule. Je me rappelle de cette période légère où s’occuper de son enfant revient à bien s’occuper de soi, où il suffit de respirer et manger pour fabriquer des petits pieds! Je ne crois pas connaitre de phénomène plus magique que de faire grandir la vie en soi.
À toutes celles qui attendent, j’aimerais leur conseiller d’arrêter. J’aimerais leur dire de profiter de cette toute fin de grossesse qui reste l’initiation au lâcher prise dont il faudra faire preuve tout au long de sa vie de maman. Attendre l’accouchement, attendre que bébé dorme, attendre qu’il tienne assis, attendre que l’enfant marche, attendre qu’il mange seul, attendre le sevrage, attendre qu’il fasse ses nuits, attendre qu’il lise, attendre qu’il cesse ses colères, attendre qu’il ait des bonnes notes, attendre qu’il ait son bac, attendre qu’il parte, attendre qu’il rentre, attendre qu’il revienne…
Savourer l’instant présent, j’apprends moi-même cela comme l’étape de la recette d’une maternité heureuse.
Demazeux
septembre 18, 2019Quelle magnifique article Justine !
Beaucoup de sensibilité, de douceur et de poésie dans tes mots.
Avec ma moitié c’est notre souhait le plus cher actuellement..
Merci pour tout ce que tu nous partages au quotidien, c’est précieux, tes conseils, ta bienveillance.
Julie
Justine
septembre 22, 2019Merci Julie pour ton gentil commentaire ! N’hésite pas à partager cet article si tu l’as apprécié, ça m’aide beaucoup <3 bisous
Annaëlle
septembre 19, 2019Très bel article qui m’a replongé avec émotion en novembre 2015 et décembre 2018.
J’ai tellement aimé vivre cette plénitude dans ce « monde parallèle » des derniers jours… Ces instants qui n’appartiennent qu’à nous et nos bébés, je suis si reconnaissante à la vie de me les avoir offerts !
J’aime me replonger dans ces derniers instants et revivre intérieurement les naissances de mes bébés… Quel Bonheur Intense ! Merci de m’avoir offert cette occasion à travers ton texte ;)
Justine
septembre 22, 2019Bonjour Annaëlle, oui je suis accro aux souvenirs, photos et sentimentaux, ravie de t’avoir partagé cela. bisous
Mennesson
septembre 20, 2019Merci Justine pour cet article si… juste!
Je lis avec beaucoup de bonheur tes articles de blog, et je le partage très volontiers à mes copines enceintes!
Prend soin de toi
Maÿlis
Justine
septembre 22, 2019Salut Maylis merci pour ta générosité à partager ! bisous